D'après un conte des frères Grimm,
Illustration par Walter Crane.
Du temps où les vœux se réalisaient, vivait un roi qui avait une fille si belle que le soleil, lui-même, se plaisait à éclairer son visage.
Au pied du château s’étendant une vaste forêt ; et dans cette forêt, il y avait un vieux tilleul à l’ombre duquel, la Princesse venait s’asseoir, les jours d’été, sur la margelle d’une fontaine claire et fraîche. Pour se divertir, elle lançait une balle en or dans les airs qu’elle rattrapait. Cette balle, cadeau de sa Marraine la Fée était son jouet favori. Il arriva, une fois, que la balle en or, lui glissa des mains, retomba sur le sol et roula dans l’eau. La Fille du Roi la suivit des yeux, mais la source était si profonde qu’on en voyait pas le fond. Elle se mit à pleurer, rien ne pouvait la réconforter. Comme elle se lamentait, elle entendit quelqu’un qui lui disait :
– Pourquoi la Fille du Roi est-elle si affligée ? Elle pleure tellement que même les pierres ont pitié d’elle.
Se retournant, la Princesse aperçut une Grenouille qui sortait sa vilaine petite tête de l’eau.
– Ah ! C’est toi qui me parles, dit-elle, je pleure ma balle en or qui est tombée au fond de la source.
– Ne t’inquiète pas, ne pleure pas, répondit la Grenouille, je vais t’aider ; mais que me donneras-tu si je te rapporte ton jouet ?
– Tout ce que tu voudras, chère Grenouille, mes vêtements, mes perles et mes bijoux et aussi la couronne en or que je porte.
Cependant, la Grenouille qui ne voulait ni des vêtements, ni des perles et des bijoux, ni la couronne de la Princesse lui demanda :
– Si tu veux bien m’aimer et être ta compagne de jeu, si tu veux bien me laisser m’assoire auprès de toi lorsque tu es à table, manger dans ta petite assiette en or, boire dans ton petit gobelet en or et dormir dans ton petit lit ; si tu veux bien me le promettre, j’irai chercher ta balle en or au fond de la source et je te rapporterai ton jouet.
– Oh oui, Répondit la Princesse, je promets tout ce que tu voudras, si tu veux bien me rapporter ma balle en or. Mais elle pensait, comment cette vilaine petite Grenouille ose-t-elle me parler ainsi ! Elle qui vit ici dans l’eau parmi les autres Grenouilles qui croassent ne peut pas être l’ami des humains.
À peine la Grenouille avait-elle entendu la promesse, qu’elle avait plongé au fond de l’eau. Elle ne tarda à remonter à la surface, tenant dans sa bouche la balle en or qu’elle cracha sur l’herbe. Aussitôt la Princesse s’en saisit et s’enfuit, sans même remercier la Grenouille, en courant vers le château.
– Attends, attends, criait la Grenouille. Prends-moi avec toi, je ne cours pas si vite.
Mais à quoi pouvait bien lui servir de croasser ainsi après une Princesse qui ne l’écoutait pas et qui avait sûrement dû déjà oublier une pauvre Grenouille qui s’en retourna à sa fontaine.
Le lendemain, lorsque la Princesse se fut assise à table avec le Roi et les Courtisans ; alors qu’elle mangeait dans sa petite assiette en or et buvait dans son petit gobelet en or, on entendit : FLIC FLOC, FLIC FLOC, quelqu’un qui montait l’escalier en marbre. Celui qui frappait à la porte cria :
– Princesse ouvre-moi la porte !
La Fille du Roi courut pour voir qui l’appelait, c’était la Grenouille ! Fâchée, elle referma brusquement la porte et revint s’assoire à table un peu effrayée. Le Roi qui s’était aperçu de son malaise lui demanda :
– Mon enfant, qui vous effraie donc autant ? Y aurait-il un géant dehors qui voudrait vous enlever ?
– Non, répliqua-t-elle, pas un géant, juste une vilaine petite Grenouille.
– Et cette Grenouille, que vous veut-elle ?
– Ah, mon cher Père, se lamentait la Princesse, hier, j’étais dans la forêt assise au bord de la fontaine jouant avec ma balle en or qui tomba au fond de l’eau. Comme je pleurais, cette Grenouille me l’a rapportée. Mais, elle insista tant que je lui promis qu’elle pourrait être ma compagne. Je ne pensais pas qu’une Grenouille pouvait sortir de son eau ! À présent, elle est sur le pas de la porte et elle désire venir ici près de moi.
– Ce que tu as promis, lui dit le roi, tu dois le tenir. Vas, mon enfant, ouvre et laisse entrer cette Grenouille.
La Princesse ouvrit et la Grenouille la suivit jusqu’à sa chaise. Elle s’assit et la Grenouille cria :
– Monte-moi sur la table près de toi.
Comme elle ne réagissait pas, le Roi le lui ordonna.
Quand la Grenouille fut sur la table, elle dit:
– Approche ta petite assiette en or que je puisse manger avec toi.
Malgré sa répugnance, la Princesse obéit et partagea sa nourriture avec la Grenouille. Celle-ci apprécia ce qu’elle venait de mangeait et dit :
– J’ai mangé, je suis satisfaite. À présent, je suis fatiguée ; emmène-moi dans ta petite chambre et allons dormir dans ton petit lit.
La Fille du Roi se mit à pleurer car la Grenouille la dégoûtait. Mais le Roi se mit en colère :
– Qui t’as aidé quand tu en avais besoin ? À présent, il est trop tard pour mépriser cette Grenouille…
Alors, la Princesse prit la Grenouille du bout des doigts et l’emmena dans sa chambre. Elle la déposa dans un petit coin. Mais lorsqu’elle fut couchée, la Grenouille s’avança et lui dit :
– Je suis fatiguée, c’est dans ton lit que je veux dormir. Trop, c’est trop, la Princesse terriblement en colère, se saisit de la grenouille et la lança contre le mur.
– Maintenant, tu me laisseras tranquille, maudite grenouille.
En tombant, la Grenouille se transforma en un beau Prince avec de beaux yeux.
– N’es pas peur, lui dit-il, j’étais la victime du sort d’une méchante sorcière dont tu viens de me délivrer en m’acceptant dans ton palais. Veux-tu bien m’épouser ?
La Princesse qui le trouvait beau accepta. Le lendemain un carrosse attelé de huit chevaux blancs harnachés d’or derrière lequel se tenait Hans le Ferré, serviteur du Prince, vint chercher les nouveaux époux pour les emmener dans le royaume du Prince.
En chemin, on entendit un grand bruit à l’arrière du carrosse. Le Prince crut qu’une roue s’était brisée. Non point, c’était les anneaux de fer que Hans avait fait poser autour de son cœur pour que celui-ci ne se brise pas de chagrin quand le Prince fut transformé. C’étaient ces anneaux qui par trois fois craquèrent tant sa joie était grande d’avoir retrouver son maître.